Yves Bodiou / Jérome Pleignet
Yves Bodiou / Sculptures
Le travail actuel d'Yves Bodiou est issu d'une interrogation sur la confrontation des idées avec la main et la matière. Qu'elle devienne une pratique qui, comme "la frappe du pied dans le sable fait remonter a la surface, l'eau infiltrée dans les profondeurs". Inventer dans cette matière elle-même la matrice qui donne corps aux idées, permettent de superposer nos créations a la réalité.
Pour cela il faut rabattre le geste fondateur de la sculpture par un retour régressif à la pesanteur, l'amorphe; différer ses origines mythiques et dans l'oubli d'une histoire trop édificatrice, retrouver l'innocence première, l'emprise de la main, puis son effacement devant l'objet qui la remplit, qu'elle contient. Revenir à cette "évidence" dans laquelle le sculpteur entend la collusion et l'emboîtement d'évider et densité : notions essentielles a son travail.
Ce travail d'ancrage, d'origine, ce fut "la motte de terre" : "matière grasse", point d'appui cherché dans l'inertie de l'argile – infiniment malléable et informe – et matrice symbolique de la sculpture. Curieusement, le "Tas Matière", signe quasi-organique de cette inertie, retrouve par contraste avec le parallélépipède, qui lui est accolé une sourde potentialité dynamique. Colline, paysage, il devient icône, le module du produit fabriqué, de l'industrie et de l'architecture humaine a l'énigme d'une géométrie close : boite, demeure, cercueil... Dans cette recherche, la silicone est choisie pour son inexpressivité. A priori matière du moule, matière anodine de la duplication, exempte de toute qualité propre de toute poétique, elle devient le creuset, la matrice des thématiques qui s'engendrent en lui, au plus près de la conception des idées et de leurs condensations et successions. Leur servant a la fois de corps, d'habitacle (Demeures Inhabitables) et de peau (Silicone Skin), comme s'il était nécessaire de s'opposer a la dureté de la sculpture, de trouver dans l'insignifiance de la silicone un processus souple de la distanciation. Car, autant que de vide et de plein, de détournements ou de retrouvailles avec l'objet, d'ouvrage industrieux (dont la couleur orange chantier offre la mesure de sa référence à toute autre vibration de couleur et de texture), ce sont les liens ténus, incertains entre corps et objets qui s'éprouvent ici. Entre idées et images, parfois obsédantes, dit le sculpteur. Entre penser et faire. Un dispositif offre sa plasticité sans mémoire, sa forge fluide et son moule à l'élaboration d'un univers ambivalent - pensé.
Geneviève Adda
Jérome Pleignet / Photographies
L'ensemble des images présentées est extrait de deux séries ayant pour sujet la maison individuelle.
La première série a pour objets photographiés des pavillons récemment construits.
Fortement encouragée par l'Etat, et selon une étude récente rêve de la majorité des français, l'accession à la propriété en maison individuelle apparaît comme la solution en réponse à "l'échec" des grands ensembles construits dans les années 1960/70. C'est ainsi que l'on peut assister à ce que certains nomment une véritable épidémie pavillonnaire qui affecte les territoires suburbains et ruraux.
Par mes photographies, ma volonté n'est pas d'établir une typologie de la construction pavillonnaire, mais de m'intéresser essentiellement aux schémas les plus simples, bien souvent des structures composées de quatre murs et d'un toit à deux pans ; l'ensemble posé sur une pelouse auquel viennent s'ajouter divers éléments renvoyant à la vie des habitants : séchoir à linge, jeux pour enfants, mobilier de jardin, barbecue...
La seconde série, intitulée "limites de propriétés", posent les questions des relations qu'entretient l'homme avec son habitat et son environnement proche. Ainsi, la maison est le lieu où l'on se protège non seulement du froid et des intempéries mais aussi du regard des autres et du monde extérieur.
Joffrey Pleignet